Philosophie pour le BAC - Terminale S

Cours 4 - Le désir  

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Desiderare : regretter l’absence de quelque chose ou de quelqu’un, le désir de ce que nous n’avons pas. Tant que l’objet nous manque, nous sommes malheureux, seulement, quand le désir est satisfait, il meurt et l’homme ne saurait vivre sans désir. Pour continuer à exister, il doit paradoxalement refuser la satisfaction de ce désir tout à la recherchant.
 
1. Définitions
 
Le désir est le mouvement vers un objet que l’on considère comme une source de satisfaction.
 
1.1 Désir et volonté
 
Le désir est différent de volonté. Il suppose que l’on se donne les moyens d’atteindre telle ou telle fin. Il s’agit de mettre en œuvre l’intelligence qui se donne un but précis et met au point la façon d’y parvenir. Il peut y avoir du désir dans la volonté mais la volonté le maîtrise rationnellement. 
EPICTETE, stoïcien du Ier siècle après J-C ne laisse pas voir ses sentiments. Il maîtrise les désirs par la volonté. On fait la différence entre les choses qui dépendent de nous et les choses qui ne dépendent pas de nous.
Les choses qui dépendent de nous sont, les pensées, les opinions, les désirs, les actions, refuser, approuver, se lamenter ou se réjouir.
Les choses qui ne dépendent pas de nous sont la réputation, la dignité, le corps (la santé), la richesse, la gloire.
Pour pouvoir être heureux, il ne faut désirer que ce qui dépend de nous. EPICTETE était esclave, le maître lui a cassé le bras, il est resté stoïque.
DESCARTES, Le Discours de la Méthode, troisième partie.
DESCARTES décide de douter de tout le savoir. Il a malgré tout besoin de principes qui vont le guider dans la pratique quotidienne. C’est le but de la morale par provision de se donner des maximes utiles pendant cette période de doute. Changer ses désirs plutôt que l’ordre du monde. Le début rappelle le principe stoïcien selon lequel ne dépend de nous qu ce qui est de l’ordre de la pensée. Nous savons que le monde, que les lois, que les coutumes, que les autres ne sont pas en notre pouvoir mais nous avons en notre pouvoir le désir de posséder telle ou telle chose. Il ne faut désirer que les choses que nous pouvons avoir. Le désir n’est pas une force obscure. Le désir désigne ici les moments de la volonté. La volonté chez DESCARTES est la faculté de dire oui ou non, de prendre parti. Elle est indivisible, infinie, illimitée et c’est par la volonté que nous ressemblons à Dieu. L’entendement, c’est le pouvoir de connaître et par nature la volonté ne se détermine que vers ce que l’entendement lui a présenté comme un bien. Il faut distinguer les choses extérieures qui ne dépendent pas de nous entièrement de celles qui sont extérieures. Ces choses extérieures ne le sont pas toutes au même degré et certaines nous échappent complètement et il est facile d’y renoncer. Certaines choses sont moins extérieures et nous échappent de justesse. Les premières nous paraissent irréelles et nous ne les désirons pas alors que les secondes nous paraissent possibles. En désirant ce qui est possible, nous réglons le désirable sur l’accessible et ainsi, nous modifions notre rapport au monde sans nous résigner mais plutôt qu’être déçus devant notre impuissance à changer le monde, nous connaîtrons le bonheur qui résulte du pouvoir sur soi.
 
1.2 Désir et besoin
 
Le besoin est nécessaire alors que le désir est contingent (ce qui s’est produit mais qui aurait pu ne pas se produire), facultatif. Le besoin doit être satisfait, il peut être comblé, mesuré. Le désir est presque une envie, il est illimité, déréglé. Il y aurait des besoins nécessaires à l’organisme pour survivre et des désirs qui seraient illégitimes. Donc pour être sage, il faut se tenir à ce qui est strictement nécessaire.
EPICURE, Lettre à Ménécée, IIIe siècle avant J-C.
La canonique est la vérité, la physique la nature et l’éthique (bonheur, individuelle, conseils) est presque la morale (prescriptive, universelle, ordres). La vérité est une sensation, le corps émet des simulacres (fines particules). On effectue un tri entre les désirs :

Désirs naturels Désirs vains
Nécessaires Naturels
· Le bonheur (philosophie).
· La tranquillité du corps : avoir un toit, être chaudement vêtu, ne pas être malade.
· Vie : manger, boire, dormir.
· Désir sexuel.
· Gourmandise.
· Voler.
· Convoiter le bien du prochain.
· Gloire, richesse.

 
L’homme doit désirer ses désirs naturels et nécessaires qui sont des besoins. Il y a deux conditions à remplir pour être heureux :
Avoir l’esprit tranquille (libéré des contraintes et des superstitions) ;
Ne pas souffrir physiquement, ne pas éprouver de douleur : la tranquillité du corps.
Ces deux conditions forment l’ataraxie. EPICURE nous renvoie à l’animalité, il n’est pas certain du tout que les besoins naturels soient les besoins les plus humains et peut-être que l’humanité commence lorsqu’elle a cherché à satisfaire ses désirs plutôt que ses besoins. Il faut peut-être reprendre la distinction entre désir et besoin : désirer, ce n’est pas faire un caprice et le désir lié à l’esprit est aussi profond que le besoin lié au corps.
 
2. Quel est cet « obscur objet du désir » ?
 
Film de Buñuel.
 
2.1 Le désir comme manque
 
Banquet : Agathon ; discours en l’honneur d’Eros. ARISTOPHANE, auteur de comédies. Autrefois, les êtres étaient doubles : soit deux femmes, soit deux hommes soit androgynes. Comme cela, ils étaient plus forts, ils voulaient rivaliser avec les Dieux. Leur punition fut d’être coupés en deux. Zeus veut les recoller. Le discours d’ARISTOPHANE montre que le désir révèle à l’homme sa misère, le regard tourné vers la coupure. L’homme prend conscience de sa déchirure à travers l’épreuve du désir. Chaque sujet prend conscience de son identité et est contraint d’avouer un manque et demande à l’autre de combler par son amour le vide de son existence.
PLATON, Le Banquet, le Mythe de la naissance d’Eros.
SOCRATE reprend les propos d’une femme, Diotine, prêtresse. Poros a de grandes facilités, la ruse. Pénia est sans abri. Eros est un daïmon : un demi-Dieu, il a donc la faiblesse des hommes et la supériorité des Dieux. Il est entre les deux : a le savoir et la connaissance, recherche le savoir. La philosophie est désir du savoir, de sagesse, elle ne le connaît pas. Nous devons tourner notre désir vers la connaissance pour être heureux et ne pas être déçus.
 
2.2 Le désir comme reconnaissance
 
HEGEL, XIXe siècle. La dialectique du maître et de l’esclave : mouvement de la pensée qui procède en surmontant ses contradictions : pensée en actes. Le maître est le vainqueur, l’esclave perd la liberté, gagne la vie, il est vaincu. Notre histoire personnelle, comme celle de l’humanité montre que le désir peut prendre un visage destructeur (désir d’être premier, de gagner davantage d’amitié, de conquêtes). HEGEL analyse le désir au travers de la dialectique du maître et de l’esclave. Il montre que l’homme veut voir sa valeur confirmée dans la reconnaissance par l’autre. Cette reconnaissance prend la forme d’une lutte à mort entre deux consciences : celle du maître qui sort vainqueur de la lutte et celle de l’esclave qui a préféré conserver sa vie et être réduit en esclavage. Mais cette situation ne satisfait ni le maître ni l’esclave. Le maître parce qu’il maîtrise l’esclave et l’esclave parce qu’il n’est pas reconnu. Il parviendra cependant à se faire connaître par son travail (l’esclave). Pour que le désir devienne humain, il faut qu’il porte sur un autre désir car seul le désir de l’autre donne un sens à mon existence humaine. Le désir est désir du désir de l’autre. Le désir n’est pas seulement un manque, il est aussi une puissance qui nous pousse à rechercher la satisfaction. Il nous pousse à nous arracher à l’immobilisme, à rechercher toujours plus. C’est chez SPINOZA (XVIIe siècle) que se sont affirmées la valeur et l’importance du désir. Pour SPINOZA, c’est le désir qui donne sa valeur à l’objet désiré : « nous ne désirons pas une chose parce qu’elle est bonne. Mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons ». Aucune chose n’est bonne ou mauvaise en soi, en fait, le désir n’est pas dans l’objet mais dans le sujet désirant : c’est un être de désir.



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